Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/106

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« — Non, monsieur, je m’attends de jour en jour à être transféré à Poissy.

« — Eh bien ! je m’en vais vous laisser mon adresse, et si vous faites quelque autre chanson, vous aurez la complaisance de me l’envoyer. Quand vous sortirez, vous viendrez me voir, je suis certain de faire quelque chose pour vous et de vous mettre à même de gagner votre vie honnêtement.

« — Et les antécédents, dis-je : si vous pensez ainsi, tout le monde pensera-t-il comme vous ? À quels affronts, à quelles humiliations ne serai-je pas exposé ?

« — Soyez tranquille, reprit M. A…, vous verrez que vous aurez affaire à des gens au-dessus de ce préjugé, à de véritables philanthropes qui, ainsi que moi, feront tout ce qu’ils pourront pour vous. Ainsi prenez courage, ne vous laissez pas abattre.

« — Je ne me laisserai jamais abattre, mais je connais les hommes et j’ai déjà éprouvé tant de déceptions ! »

Lacenaire a prétendu que cette voix amie fit taire toutes ses résolutions criminelles, ses projets de vengeance contre les hommes ; qu’il ne songea dès lors qu’à vivre honnêtement de sa plume, et qu’il serait demeuré vertueux si M. A… lui avait tenu parole.

À cela on peut se demander d’abord si Lacenaire avait un talent assez réel pour en pouvoir vivre, s’il y avait véritablement en lui l’étoffe d’un écrivain.

« Je partis de la Force, continue-t-il et fus transféré à Poissy ; là, je négligeai toute entreprise de travail et m’adonnai exclusivement à la poésie, et surtout à la chan-