Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/148

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des cabriolets à ceux de ses clients qui exploitaient la campagne. Là, après avoir dételé le cheval et l’avoir recommandé aux soins particuliers d’un palefrenier, les deux larrons procédèrent à la visite du fourgon. Ils y laissèrent tous les paquets contenant ces objets de première nécessité ou de mince valeur, qui ne sont engagés ordinairement que par de pauvres gens ou par des personnes réellement gênées, et ils empilèrent dans un fiacre dont le cocher était affranchi (c’est-à-dire sûr) tous les objets de prix.

Quand l’ombre se fut tout à fait épaissie sur la ville, ils partirent avec la voiture de place seulement, et allèrent déposer leur fardeau chez l’Homme-Buté. L’honnête commerçant convint d’acheter le tout à la pesée, selon son habitude, et, après avoir fait descendre le butin dans sa cave, il y précéda les fournisseurs pour évaluer leurs marchandises. Les balances du recéleur fléchissaient sous le poids de l’or et de l’argenterie. Lacenaire tenait à la main une chandelle dont la lueur fumeuse, en se projetant sur les pierres des bijoux, faisait scintiller leurs reflets prismatiques et éclairait cette scène à la Rembrandt.

Quand les voleurs eurent encaissé leur argent, ils allèrent souper chez la mère Gérard, puis, vers quatre heures du matin, ils retournèrent à l’écurie où la veille ils avaient laissé le coursier capturé. La bête, après s’être repue de grappe et d’avoine, s’était étendue sur une litière digne d’Incitatus, le cheval consulaire, et il ne dut pas être trop satisfait lorsqu’on l’en arracha.

En effet, les voleurs, que le vin avait mis en joyeuse