Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/29

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Beauvoisin pour passer la nuit, et ce fut là qu’il fut initié par une servante d’auberge à des sensations qu’il ignorait encore. Revenu à Lyon, il entra chez un avoué, non pas pour se préparer aux luttes futures du barreau, ainsi qu’il le désirait vivement, mais, comme le lui apprit son frère, pour apprendre un peu de procédure et de chicane, choses si utiles dans les affaires.

Ces paroles furent une nouvelle déception pour le clerc, et le dégoûtèrent sur-le-champ de l’étude. On l’envoya chez un banquier, et ce fut à un bal donné par son patron qu’il rencontra la seule femme qu’il ait jamais aimée sincèrement de sa vie. Cet amour, qui fut couronné de succès, dura deux ans. Celle qui l’inspira était une femme mariée, que nous nous abstiendrons de désigner, car, à l’heure présente, elle est veuve et vit encore à Lyon.

Après la banque, le commis aborda le notariat ; il travailla en qualité de clerc chez un des premiers notaires de la ville. La maison de son père lui était devenue à charge. Ce n’était pas assez de tous les éléments de discorde qui s’y trouvaient déjà : la politique y vint encore jeter ses brandons. Le père était un royaliste exalté et fanatique ; le fils s’était mis, pour faire comme les autres jeunes gens, avec les libéraux, et quand M. Lacenaire apprit cette circonstance, sa fureur ne connut plus de bornes. Pendant cet état d’excitation, on accusa le jeune homme d’avoir détourné de l’étude dix francs, affectés à la levée d’un certificat d’hypothèque. C’était faux, le clerc était innocent ; mais son père faisait chorus avec ses accusateurs, et ne voulait point entendre ses raisons ni ses justifications.