Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/307

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

maintenir dans ses heureuses dispositions… Mais hélas ! il n’avait pas de nom littéraire ; et, malgré toutes les démarches de M. Vigouroux, le prix qu’on met à ses articles est tellement modique, qu’il ne pourrait suffire aux besoins les plus essentiels de la vie la plus modeste.

Ce fut le dernier coup. Sa chute s’augmenta de toute la grandeur de son espoir déçu. C’est une rage, un désespoir, une fureur atroce ; une fièvre brûlante le consume ; il se croit poussé au crime par une force supérieure. La fièvre se calme et une profonde insensibilité lui succède… C’est un marbre glacé. Pas un jour qu’il ne rêve quelque infernal projet. Pas un jour que sa main ne fabrique quelque faux. Le péril et la crainte ne sauraient l’ébranler ; c’est un délire, une joie sardonique.

Mais au moins il s’arrêtera devant le meurtre !… Ses mains ne sont point encore souillées de sang !… Non, messieurs, il ne s’arrêtera pas, car le vol, le faux, tout cela mène au bagne ; eh bien ! le croiriez-vous, il préfère l’échafaud, et si la justice, car enfin il y a une justice, si la justice s’emparait de lui, il pourrait revendiquer la mort comme un droit irrécusable.

L’assassinat de Chardon est résolu, consommé de sang-froid. C’est une lettre de change tirée sur le bourreau… La fortune ou la mort !

La vue de ses victimes, l’exécution du forfait ne sauraient l’émouvoir : indifférent comme la matière, il s’étonne lui-même de cette horrible insensibilité. Il a rompu sans trembler le pacte social, il est entré dans une route périlleuse où la chute est certaine, il ne la craint pas, il la brave. Il se rit des lois impuissantes pour l’arrêter,