Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/338

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à tous les êtres qui m’ont aimé et même à ceux qui me maudissent : ils en ont le droit. Et vous qui lirez ces Mémoires, où le sang suinte à chaque page, vous qui ne les lirez que quand le bourreau aura essuyé son triangle de fer que j’aurai rougi, oh ! gardez-moi quelque place dans votre souvenir……, adieu ! »

Il déclara ensuite être prêt à partir, et, donnant carrière jusqu’au bout à ses pensées littéraires :

— M. Victor Hugo, dit-il à un greffier présent, a fait un beau livre sur le dernier jour d’un condamné. Eh bien ! je suis sûr que si on m’en laissait le temps, je l’enfoncerais… Et cependant, quoiqu’on en dise, M. Hugo a bien du talent !

Lacenaire, à qui l’on venait de passer la camisole de force pour cette suprême circonstance, s’excusa de ne pouvoir reconduire cérémonieusement les visiteurs, selon son habitude, jusqu’à la porte de sa cellule.


CHAPITRE XLIV.

Le départ. — La chapelle de Bicêtre. — La toilette des condamnés. — La prière des agonisants.


Avril était également plongé dans le sommeil lorsqu’on vint lui annoncer le rejet de son pourvoi. Il comprit sur-le-champ ce que signifiait cette communication.

— Allons, dit-il avec le plus grand calme, sans être sorcier, je vois que, demain matin à huit heures, Lacenaire et moi nous battrons un quatre à l’Abbaye de Monte-à-