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Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/342

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que la pâleur ; c’était tout simplement un fait physiologique, qui, par exception, n’avait pas eu lieu pour Avril.

Une demi-heure après la visite des deux prêtres, on amena les deux patients à la chapelle pour y faire la prière des agonisants.

Durant cette cérémonie funèbre dont tous les détails sont empreints d’une si navrante tristesse, Avril demeura calme et recueilli ; Lacenaire, le visage pâle, resta indifférent à ce qui se passait. La prière terminée, les deux moribonds, escortés des deux abbés, qui continuaient à les exhorter, furent ramenés dans la pièce destinée aux derniers préparatifs. Plusieurs gardes municipaux s’y trouvaient déjà.

Lacenaire demanda une tasse de café et un verre d’eaude-vie qu’il partagea avec Avril. À son tour, celui-ci se fit apporter un petit verre et en offrit la moitié à Lacenaire, qui l’accepta en lui disant :

— Ma foi, tu as raison, pour le peu de temps qu’il nous reste, il ne faut pas perdre ses anciennes habitudes.

Et tirant un cigare de sa poche, il l’alluma et commença de fumer.

— Fais-moi quelques vers pour dire au peuple avant de mourir ? lui dit facétieusement Avril.

— Imbécile, lui dit Lacenaire, il n’y a que les capons qui chantent pour se donner du courage !…

En ce moment trois hommes entrèrent dans la chambre. Les gardes municipaux s’éloignèrent un peu pour leur laisser la place libre. C’étaient le bourreau et ses deux aides qui venaient faire la toilette des condamnés.

À l’aspect de ce groupe qui leur indiquait que l’heure