Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/346

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aides étaient obligés eux-mêmes,de temps en temps, de la raccommoder tant bien que mal.

Lacenaire gravit les degrés de l’échafaud et adapta sa tête dans la rouge lunette.

Il était déjà dans cette horrible position depuis plus d’une minute, — intervalle immense dans un pareil moment ! — que le couperet n’avait pas encore glissé dans la rainure qui l’emprisonne. Au lieu de tomber sur son cou, le triangle s’était arrêté en route…

Il fallut le remonter !

Pendant ce temps par un suprême effort, Lacenaire se redressa sur ses coudes et regarda fixement l’instrument de mort, qui semblait reculer de lui avec horreur.

Peut-être aiguisait-il en ce moment suprême une dernière et funèbre moquerie, car sa bouche se crispait pour railler ; mais la mort faucha sur ses lèvres blêmes cette dernière plaisanterie. Une partie de son menton fut emportée… La veuve Chardon était vengée !

Ainsi périt cet homme dont la froide cruauté et l’impassibilité dans le meurtre sont devenues proverbiales. Sa tête cependant ne présente aucun caractère de férocité. Elle est volumineuse ; le front est large et bien formé ; les parties cérébrales destinées à l’intelligence sont plus développées que celles affectées aux appétits matériels. Il a été constaté, — et ceci donne un vigoureux démenti à la science de Spurzheim et de Gall, — que Lacenaire, phrénologiquement, avait toutes les bosses d’un homme bon, doux, sensible, religieux, ayant en horreur l’injustice et le vol, et à cent mille lieues de l’assassinat.