Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/36

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et, pour dérouter les recherches de la police, en cas de poursuites, il avait prescrit à ce confident de ne lui écrire que sous le couvert de sa nouvelle connaissance.

L’ami exécuta cet ordre, mais si maladroitement, que le Génevois put décacheter avec une apparence de raison la première lettre adressée réellement à Lacenaire. À travers toutes les réticences et toutes les obscurités de la missive, l’intermédiaire vit clairement la situation dans laquelle se trouvait son nouveau camarade. Il n’eut rien de plus pressé que d’aller tout raconter au maître de l’hôtel d’abord, et à une des autorités de la ville ensuite. Cet individu agissait doublement mal en cela, car, ayant eu besoin en diverses occasions de celui qu’il dénonçait, il avait toujours trouvé sa bourse ouverte. Il faut rendre justice, même à un faussaire : Lacenaire était serviable.

Un jour il crut saisir des allusions assez directes à sa situation personnelle dans la conversation de l’hôtelier, et il le soupçonna vaguement d’avoir fouillé dans sa malle ; mais, ayant appris le lendemain, par le secrétaire même du fonctionnaire averti, que ses secrets étaient divulgués et lui-même trahi par le Suisse, son obligé, sa colère fut extrême, et il résolut de tirer une vengeance éclatante de cette perfidie. Cependant il dissimula son ressentiment et fit le doucereux jusqu’au lendemain.

Ce jour arrivé, il invita le traître à déjeuner. Plein de confiance dans l’ignorance présumée de Lacenaire, le Suisse accepta avec empressement ce repas et une promenade à la campagne, que son convive lui proposa au sortir de table. Tout en cheminant ensemble et en cau-