Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/62

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Oui, c’est moi qui l’ai tué ! Puisque vous me refusez la vie, vous me donnerez bien la mort, maintenant ! Quant au suicide, je n’y pensais même pas ; c’éût été trop généreux de ma part. Celui qui reçoit plusieurs blessures sur le terrain doit continuer le combat tant qu’il a la force de tenir son épée. Qui sait s’il ne trouvera pas le défaut de son adversaire ? »

Le soir de son troisième jour de diète, il rencontra par hasard un de ses camarades de régiment. Lui peindre sa situation et l’apitoyer sur ce qu’elle avait d’horrible fut facile à Lacenaire. Son ami était lui-même très mal dans ses affaires, mais, comme il avait bon cœur, il fit ce qu’il put. De sa bourse d’abord, si plate qu’elle fût, de ses conseils ensuite,il aida son ancien compagnon de garnison, contrairement à ce qui se pratique chez les gens heureux, et, grâce à quelques francs généreusement partagés, Lacenaire put entrer dans une petite gargote située rue de la Monnaie, en face le Pont-Neuf. Il se jeta avec avidité sur les premiers plats de ce repas inespéré. Les mets qui le composaient n’étaient pas succulents, mais jamais on ne fit plus d’honneur à cent des festins d’Apicius.

— Pourquoi ne cherches-tu pas de l’ouvrage chez les écrivains publics ? dit le brave garçon au mangeur affamé dans un intervalle de répit.

— Tiens ! je n’y ai jamais songé, répondit le dîneur, un peu soulagé de sa crise famélique ; — c’est une idée, ça !

— Eh bien ! il faut y penser dès demain. Tu as une bonne écriture, elle est belle même ; tu es vif, et ferré