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Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/68

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cérémonial, qu’ils se laissaient conduire chez lui, non sans épousseter leurs chaussures et sans rajuster leurs faux cols pendant toute la route.

Les farceurs arrivés devant « l’hôtel, » ainsi qu’ils appelaient emphatiquement la maison du père Soubise, frappaient d’une certaine manière.

Le prince mettait la tête à la fenêtre :

— Que voulez-vous maintenant ? demandait-il aux jeunes gens groupés dans la rue ; tout est fermé, je suis couché, vous le voyez bien…

— Nous voulons danser, père Soubise, répondait Lacenaire, toujours délégué pour entamer ces négociations délicates ; nous avons une soif de la Méduse : donnez-nous de la bière et un bal…

— Comment me paierez-vous ça, mes enfants ? vous savez qu’après minuit je ferme l’œil.

— Allons, vieux, pas de calembour à cette heure indue. Vous serez payé d’avance.

— Alors, attendez-moi une minute, mes petits amours, je suis à vous…

Les nouveaux venus commençaient dès lors à comprendre l’apologue, et les anciens à se moquer d’eux. Le père Soubise entre-baillait doucement sa porte un instant après, tendait la main pour recevoir le salaire de ses veilles, et, la somme empochée,laissait entrer à son rez-de-chaussée mystificateurs et mystifiés. Aussitôt il allumait les quinquets en fer-blanc de sa fameuse salle, remontait au premier, afin de réveiller son violon dormant dans sa boîte et ses cinq filles ronflant dans leurs lits. Les pauvres demoiselles, encore tout ensommeillées,