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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

dial à ces étrangers, qui prenaient la peine de venir lui rendre visite, et aussi à Yvon, qu’il n’avait pas revu, depuis sa convalescence, à lui, Lionel Jacques.

— J’ai entendu parler de vous, fit-il, s’adressant en souriant, à Richard d’Azur et à sa fille. Il ne vient pas d’étrangers à W… (pas beaucoup, dans tous les cas) sans que la nouvelle de leur arrivée s’en répande vite. Mais je croyais que vous étiez partis.

— Nous ne devions être que trois ou quatre jours à W…, répondit Richard d’Azur ; mais nous aimons l’endroit ; de plus, nous tenons à nous joindre à l’excursion projetée, dans la houillère, jeudi.

— Ah ! oui ! dit Lionel Jacques. Nous avons tous hâte d’être rendus à jeudi, Yvon, reprit-il, en s’adressant au jeune homme. J’ai vu M. et Mme Foulon, hier, et nous avons parlé de la fameuse excursion ; je te dis qu’ils y tiennent, eux aussi !

— Qui viendra, à part de vous, M. et Mme Foulon, M. Jacques ? demanda Yvon.

— Patrice Broussailles seulement.

— Ah ! fit le jeune homme.

M. le Curé souffre de rhumatisme, de ce temps-ci ; impossible pour lui d’entreprendre pareille excursion, tu le penses bien. Quant à Mlle Blanchet, elle a pris peur, tout à coup, et elle dit qu’elle ne se risquerait pas dans la mine pour des millions. Ha ha ha !

— Nous ne serons que six alors, à part de M. Ducastel, qui veut bien nous servir de guide, dit Luella.

— Oui, six, Mlle d’Azur, répondit Lionel Jacques… Mais, veuillez m’excuser pour quelques instants, ajouta-t-il, en s’adressant à ses visiteurs puis il quitta le salon.

— Charmant type ! s’exclama Luella, aussitôt que leur hôte eut disparu.

— Un parfait gentilhomme ! amplifia Richard d’Azur.

— Et le plus noble cœur qui soit au monde ! acheva Yvon.

Lionel Jacques ne fut absent que quelques moments ; lorsqu’il revint dans le salon, il était accompagné de Patrice Broussailles.

Mlle d’Azur, fit-il, je vous présente un jeune ami à moi, M. Broussailles. M. d’Azur, M. Broussailles, ajouta-t-il.

— Ciel ! Qu’elle va le trouver laid ce bon Patrice ! se dit Yvon ! avec un rire intérieur.

Pourtant, Luella favorisa Patrice de son meilleur sourire… Il y a des êtres faits pour s’entendre, et vite, ils ont le pressentiment de la chose, parait-il.

Quant à Patrice, ses yeux « louches » se posèrent avec une admiration… moqueuse… si je puis m’exprimer ainsi, sur la jeune fille, tout en faisant, in petto, les réflexions suivantes :

— Cheveux teints… Joues fardées… Et quelque chose qui ne va pas, aux yeux, sans quoi, elle ne les cacherait pas avec tant de soin sous des verres bleus, presque noirs…

— On a mentionné devant moi, déjà, le nom du professeur Broussailles, dit sérieusement, Richard d’Azur, en s’adressant à Patrice.

« Le professeur Broussailles »… Yvon fut pris d’un fou rire presqu’incontrôlable ; Patrice, le maître d’école, qui enseignait leurs lettres aux enfants de la Ville Blanche… C’était vraiment du plus grand comique !

M. Broussailles est professeur de lettres, dit, malicieusement et sans rire, Yvon à Richard d’Azur.

Lionel Jacques jeta à son jeune ami un coup d’œil de reproches. Patrice pâlit sous, ce qu’il appelait, l’insulte.

— Je vous rendrai tout cela d’un bloc, mon cher Ducastel ! maugréa-t-il, entre ses dents. Laisse faire ! Laisse faire !

— Professeur de lettres, hein ? s’exclama Richard d’Azur, qui ne voyait en ce fait aucune matière à rire. Moi, je suis simple professeur de minéralogie, ajouta-t-il.

— De minéralogie ? Vraiment ? dit Lionel Jacques. Alors, je comprends que les villes minières vous intéressent, M. d’Azur.

— Je devrais dire plutôt que j’étais professeur, à l’Université de Chicago, à venir à il y a quelques mois ; mais j’ai abandonné cela, pour voyager avec ma fille, qui vient de terminer ses études et qui désire acquérir de plus amples connaissances, en voyageant, annonça Richard d’Azur.

— Vous vous plaisez, à W…, Mlle