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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

d’Azur ? demanda soudain Patrice Broussailles.

— Je m’y plais beaucoup, M. Broussailles, répondit-elle.

— Oui… Je comprends… se dit Patrice. Mlle d’Azur pensionne dans la même maison que Ducastel et elle s’est entichée de ce garçon qui, lui, ne s’en doute seulement pas… Il est de toute évidence qu’il se soucie d’elle comme de son premier veston. Eh ! bien, il y aura peut-être moyen de s’entendre… Mlle d’Azur et moi, je veux dire. Ou je me trompe fort, ou cette demoiselle est de bonne composition. Or, elle aime Ducastel ; ce dernier aime Annette, l’aveugle… Oui ! Nous allons arranger tout cela… cette fille de millionnaire et moi !

Vers les cinq heures et demie, les visiteurs de Lionel Jacques parlèrent de retourner à W… ; mais ce dernier ne voulut pas les laisser partir.

— Sûrement, vous allez rester à souper avec moi ! s’exclama-t-il.

— Mais… Pour une première visite.. murmura Luella.

— Oh ! Nous sommes sans cérémonie, ici, à la Ville Blanche, Mlle d’Azur ! s’exclama Lionel Jacques en souriant. Je vous invite, sans façons et j’espère que vous accepterez de même. De fait, je serais excessivement peiné de vous voir partir maintenant. Mademoiselle et Messieurs, ajouta-t-il.

— Alors, nous allons rester, et c’est avec plaisir, répondit en riant la jeune fille.

— J’en suis très heureux, dit le maître de la maison.

— En attendant l’heure du souper, si nous avions un peu de musique, M. Jacques ? suggéra Patrice Broussailles.

— Ce serait charmant !. Vous êtes musicienne, n’est-ce pas, Mlle d’Azur ? Vous chantez aussi, sans doute ?

— Oh ! Un peu, M. Jacques…

— Nous feriez-vous le plaisir de jouer quelque chose ?

— Si ça peut vous faire plaisir, dit Luella, en se levant et s’approchant du piano.

Bientôt, le salon s’emplissait de mélodie, d’harmonie, qui firent ouvrir les yeux à Lionel Jacques, à Yvon et à Patrice ; Mlle d’Azur était, évidemment, une artiste !

Sur la demande de tous, elle chanta ensuite, et l’étonnement fut à son comble. C’était une voix de tête que possédait la jeune fille ; une voix vraiment extraordinaire et comme ils n’en avaient jamais entendue encore.

Chose curieuse, Yvon n’avait pas songé à prier Luella de jouer ou de chanter, durant les veillées qu’ils avaient passées ensemble. Le fait est que, l’indifférence qu’il ressentait pour Mlle d’Azur était telle qu’il ne s’était jamais demandé si elle possédait tel ou tel talent, tel ou tel don. Notre jeune ami ne put s’empêcher de rougir, en constatant son manque d’amabilité et de galanterie envers cette jeune fille qui, après tout, s’était toujours montrée charmante pour lui.

— Quelle artiste vous êtes, Mlle d’Azur ! s’écria Lionel Jacques, lorsque Luella eut quitté le piano. Jamais je n’ai entendu rien qui pût être comparé à votre exécution et à votre chant, jamais !

— Nous sommes tous sous le charme, fit Yvon en souriant.

— Ne chanterez-vous pas autre chose ? demanda Patrice Broussailles.

— Pas maintenant… Tout à l’heure… promit Luella.

— Durant la veillée, n’est-ce pas, Mlle d’Azur ? demanda Lionel Jacques.

— Oui, durant la veillée.

— Nous aurons un concert en règle, après le souper ; M. Ducastel y contribuera sa part ; n’est-ce pas, Yvon ?

— Je ferai de mon mieux, M. Jacques, dit notre ami.

À table, Luella fut placée entre Lionel Jacques et Yvon… au grand désappointement de Patrice Broussailles. Patrice Broussailles cherchait l’occasion de s’entretenir, seul à seul, avec Mlle d’Azur, car, il lisait la jeune fille comme un livre, lui semblait-il et… oui… décidément… ils étaient faits pour s’entendre, elle et lui !

À causer, à faire un peu de musique et de chant, la soirée passa vite, et dix heures sonnaient lorsque les invités de Lionel Jacques se levèrent pour partir.

— À bientôt ! À jeudi ! s’écria-t-