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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

tu ?… De quelle terrible expérience parles-tu, Nathaline ?

— Mais… La houillère… Le « désastre »…

— Ah ! Oui ! Tu fais allusion à l’excursion de cette demoiselle dans la mine ?

— Certainement ! Et puis…

— Selon moi, une femme ou une jeune fille n’a pas d’affaire à se risquer dans une houillère, émit Étienne Francœur.

— Pourtant, mon cher, répliqua Mme Francœur, si ce n’eut été de Mlle d’Azur, le soir du « désastre », M. Ducastel ne serait pas au nombre des vivants aujourd’hui.

— Que me chantes-tu là, ma bonne ?

— Tiens ! C’est bien vrai ! Tu ne sais pas…

— Je ne sais pas… quoi, Nathaline ? fit Étienne Francœur, légèrement impatienté.

— C’est Mlle d’Azur qui a sauvé la vie de M. l’Inspecteur ; voilà !

— Hein ? Tu dis ?…

— Cette demoiselle n’a pas fui devant le danger, comme les autres, vois-tu… Elle a préféré risquer sa vie, plutôt que d’abandonner M. Ducastel dans la houillère.

— En voilà une… une légende ! s’écria Étienne Francœur, en riant.

— Une légende ? Que signifient ces paroles ? demanda Mme Francœur.

— Elles signifient…

Mlle d’Azur a sauvé la vie de M. Ducastel, je le répète, Étienne ! s’exclama Mme Francœur, quelque peu froissée de l’attitude de son mari.

— Oui ?… Et comment s’y est-elle prise… selon elle… pour opérer ce sauvetage, hein ?

— À l’aide d’un pic, trouvé sur le sol de la houillère, elle s’est frayée un passage jusqu’à lui… Puis, avec un câble

— Trouvé, aussi, sur le sol… intervint Étienne Francœur, fort amusé.

— C’est bien cela… Avec un câble, elle est parvenue à tirer M. Ducastel de sous les décombres…

— Ha ha ha ! Ha ha ha ! rit Étienne. En voilà une bonne ! Ha ha ha !

Mme Francœur ne fut pas très étonnée de l’hilarité de son mari ; c’est que pendant qu’elle lui faisait le récit du sauvetage, elle n’avait pu s’empêcher de se dire que ça ressemblait quelque peu à un conte… pour amuser, ou endormir les enfants.

— Et vous avez cru cela, vous autres ! s’écria Étienne Francœur, toujours riant.

— Mais… Oui…

— Non ! Mais ! Nathaline ! Tu ne me feras jamais croire que tout W… s’est laissé prendre à cette histoire incroyable, tout à fait incroyable !

— Sans doute !

— Eh ! bien, écoute ! C’est la plus belle farce ! Ha ha ha !

— Seigneur ! Je voudrais bien que tu cesserais de rire ainsi, Étienne ! s’exclama Mme Francœur, impatientée à la fin.

Mlle d’Azur sauvant la vie de M. l’Inspecteur !… Tout cela, c’est des contes à dormir debout, ma bonne Nathaline… oui, à dormir debout.

— Tout le monde l’a cru…

— C’est ce qui m’étonne, répondit Étienne, sérieusement cette fois M. Ducastel doit être fort amusé de tout cela, hein ?

M. Ducastel ?… Mais ! M. Ducastel y croit fermement… Il y croit comme à l’Évangile !

— Ah ! Bah !

— Je te dis qu’il y croit, et la preuve en est que, par reconnaissance… par reconnaissance, tu m’entends, mon homme ? Il a demandé Mlle d’Azur en mariage, pas plus tard qu’hier soir…

— Et puis ?…

— Et puis, sa demande a été agréée.

— Tu m’en diras tant !… Alors, je vais le mettre au courant, M. Ducastel, de ce que je sais à propos de cette affaire, moi.

— Que sais-tu, en fin de compte, Étienne ?

— Je sais que Mlle d’Azur est sortie de la mine, en même temps que son père et les autres, le soir de « désastre ».

— Personne n’ajouterait foi à tes paroles.

— Tu crois ?… Je les ai vus, M. et Mlle d’Azur ; ils se dirigeaient vers notre maison. Moi, je m’en allais prendre le train ; ils ont pas-