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Page:Lacerte - La Gardienne du Phare, 1921.djvu/70

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la gardienne du phare

remettre la couchette du vieillard dans sa chambre. Les couvertures, les oreillers et le matelas furent jetés sur la galerie, afin qu’ils pussent s’aérer parfaitement, on referma portes et fenêtres qui avaient été ouvertes presque toute la nuit, puis Claire prépara du café que l’on but, tout brûlant.

Il fut décidé que Zilumah occuperait désormais la chambre du vieillard. Claire ne serait pas fâchée de reprendre sa chambre, qu’elle avait cédée à l’Esquimale, couchant elle-même dans son cabinet de travail, et Zilumah était folle de joie à l’idée d’avoir une pièce à elle, bien à elle. Presque toute la journée, les jeunes filles s’occupèrent du déménagement ; cependant, dans l’après-midi, elles trouvèrent le moyen d’aller faire une promenade dehors. Elles avaient été privées du grand air depuis quelque temps, à cause du malade qu’elles n’avaient osé laisser seul ; aussi, Claire avait-elle perdu un peu de ses fraîches couleurs.

Après le souper, les jeunes filles s’installèrent dans la salle commune et, tandis que Zilumah était occupée à quelque ouvrage de couture, Claire songeait… Si la Providence n’avait pas mis Zilumah sur sa route, combien cette première veillée, seule au phare, aurait été terrible !!… Elle serait morte de peur, tout simplement… Elle aurait cru entendre encore la toux sèche du vieillard…, Ç’aurait été terrible !… Si terrible que Claire frissonna de la tête aux pieds.

Claire pouvait-elle compter sur Zilumah pour toujours maintenant ?… N’appartenait-elle pas à une race nomade ? Les Esquimaux ne sont guère sédentaires, loin de là ; si Zilumah allait l’abandonner, que deviendrait-elle ?…

« Zilumah, » dit Claire, « tu te plais bien au phare, n’est-ce pas ?… Tu ne songes pas à me quitter ?… »

— « Vous quitter ! » s’écria Zilumah. « Savez-vous, Jean, si vous me mettiez à la porte, je resterais autour du phare jusqu’à ce que, pris de pitié, vous me rappeliez auprès de vous. »

— « Merci, Zilumah, merci », répondit Claire. Des larmes vinrent à ses yeux et elle déposa un baiser sur le front de l’Esquimale.

À neuf heures, elles se retirèrent pour la nuit. Elles