Page:Lachatre-Histoire des Papes. Vol 2.djvu/20

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sans entraves. L’archevêque de Trèves, qui connaissait la langue romane, prit la parole au nom de son maître, et offrit de se soumettre au saint-siége, sauf les droits de la couronne impériale, qui consistaient à donner la crosse et l’anneau au pape élu par le clergé et par le peuple, et dont la nomination avait été approuvée par l’empereur.

L’évêque de Plaisance repoussa cette proposition, et répondit au nom du saint-père : « L’Église, rachetée par le précieux sang de Jésus-Christ, a conquis sa liberté par le martyre de l’apôtre Pierre et par celui d’un grand nombre de ses successeurs. Nous ne permettrons point qu’elle retombe en servitude ; ce qui arriverait si nous ne pouvions nommer notre chef sans consulter l’empereur. Vouloir la contraindre à un semblable assujettissement, c’est commettre un attentat de lèse-divinité ! Donc, je déclare anathème au prince qui veut s’arroger l’investiture du trône sacré de l’Apôtre ! Et malédiction à l’ecclésiastique qui recevrait la crosse et l’anneau d’un roi dont les mains sont ensanglantées par l’épée ! Nous repoussons de telles prétentions. »

Les ambassadeurs allemands comprirent par cette réponse qu’il était inutile de continuer les négociations ; et le duc de Guelfe s’écria d’une voix tonnante : « Ce n’est pas ici par de vains discours, mais c’est à Rome, à coups d’épée, qu’il faut vider cette querelle. » Après ces paroles, tous se retirèrent sans même prendre congé de l’assemblée.

Pascal, quoique d’un caractère impétueux, sut dompter sa colère, et il envoya même quelques-uns de ses plus habiles conseillers vers Adalbert, chancelier de Henri, pour le prier de vouloir entendre paisiblement les représentations du saint-siége. Mais on ne put rien conclure, parce que les ambassadeurs avaient ordre de ne faire aucune concession opposée au droit d’investiture réclamé par l’empereur. Les conférences furent donc entièrement rompues, et les députés retournèrent à la cour d’Allemagne. Alors le saint-père, qui comptait sur l’appui du roi de France, saisit avec empressement l’occasion qui se présentait de rallumer la guerre en Germanie ; et à l’exemple de ses trois prédécesseurs, il résolut d’agir contre le fils comme ceux-ci avaient fait contre le père. Pascal se rendit à Troyes en Champagne, et tint un concile où la liberté des élections ecclésiastiques fut décrétée, et la condamnation des investitures confirmée.

De son côté, Henri avait prévu les intentions du pape ; et ses ambassadeurs vinrent déclarer en présence de tout le clergé français, que les empereurs possédaient le droit d’investiture depuis Charlemagne, à qui Adrien Ier** l’avait confirmé par un acte authentique dont ils étaient prêts à montrer le diplôme à l’assemblée. Comme le pontife ne voulait pas se soumettre à la teneur de cette charte, il affirma par serment qu’elle était apocryphe, et ordonna aux Pères de passer outre. Les Allemands protestèrent que leur maître ne ratifierait aucune détermination qui serait prise par des juges assez iniques pour refuser la vérification d’une pièce authentique ; et ils menacèrent le pape de toute la colère du souverain. Enfin Pascal, intimidé par cette opposition énergique, leva la séance, et accorda une année entière pour que le roi pût lui-même plaider sa cause à Rome dans un concile général.

Henri était indigné contre le saint-siége : néanmoins il dissimula son ressentiment, étant occupé à soumettre la Flandre, la Pologne, la Hongrie et la Bohême ; mais lorsque la tranquillité fut rétablie dans ses États, et qu’il se vit délivré d’un adversaire redoutable, Philippe étant mort, et le roi Louis le Gros, qui lui avait succédé, ayant trop d’affaires sur les bras pour s’opposer à ses projets, il convoqua une assemblée générale des États à Ratisbonne, et déclara qu’il avait pris la résolution d’aller à Rome, afin de recevoir la couronne impériale des mains du pontife, selon la coutume de ses prédécesseurs. En conséquence, il ordonna aux princes, aux ducs, aux comtes, à toute la noblesse, et aux évêques même, de venir se joindre à sa cour avec leurs plus riches équipages, pour rendre son cortège plus imposant et pour le suivre en Italie.

Pascal, informé des dispositions hostiles de Henri se rendit aussitôt dans la Pouille, où il convoqua les ducs italiens, le prince de Capoue et les comtes de ces provinces ; il leur fit jurer de le secourir contre le roi d’Allemagne ; ensuite il revint à Rome, et fit prêter le même serment aux grands et au peuple. Toutes ces démarches furent inutiles ; l’empereur entra dans la Lombardie, à la tête d’une armée puissante, et se fit couronner roi d’Italie par l’archevêque de Milan.

Après la cérémonie, Henri s’empressa d’envoyer des ambassadeurs au saint-siége, pour proposer un accommodement ou plutôt pour gagner du temps, car ses troupes continuaient leur marche, ruinant sur leur passage les villes qui refusaient de reconnaître son autorité.

Enfin les mandataires de Henri et ceux du pontife se réunirent, le 5 février 1111, au parvis de Saint-Pierre, dans l’église de Notre-Dame de la Tour, et ils posèrent les bases d’un traité sur les propositions suivantes : Le jour de son couronnement, l’empereur devait renoncer par écrit à toutes les investitures ecclésiastiques, et en déposer l’acte entre les mains du saint-père, en présence du clergé et du peuple ; il devait s’engager à laisser aux Églises toute liberté, ainsi que les oblations et les domaines qui ne relevaient pas directement de la couronne ; il devait restituer au saint-siége toutes les donations qui lui avaient été faites par Charlemagne, par Louis le Débonnaire et par les autres empereurs ; il ne devait contribuer ni par ses conseils ni par ses actions à faire perdre au pape le pontificat, la vie, les membres ou la liberté. Cette dernière promesse s’étendait aux fidèles serviteurs qui avaient garanti l’exécution du traité au nom de l’Église romaine. En outre, l’empereur était tenu de fournir en otages Frédéric son neveu et douze des principaux seigneurs d’Allemagne.

De son côté, Pascal prenait l’engagement de rendre au roi, le jour du couronnement, les terres et les domaines qui appartenaient à l’empire aux temps de Louis, de Henri et de ses autres prédécesseurs ; il promettait de publier une bulle qui défendrait aux évêques, sous peine d’anathème, d’usurper les régales, c’est-à-dire les villes, les duchés, les marquisats,