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et qu’ouvrage de Dieu, qui entend la moindre plainte de ses créatures, elle devait être prête au premier cri de détresse. Comme un chasseur debout et armé écoute au pied d’un arbre de quel côté vient le vent, l’Europe en ces temps-là, la lance au poing et le pied dans l’étrier, écoutait attentivement de quel côté venait le bruit de l’injure. Qu’elle tombât du trône ou de la tour d’un simple château, qu’il fallût passer les mers pour l’atteindre ou ne fournir que la course d’un cheval, le temps, le lieu, le péril, la dignité, n’arrêtaient personne. On ne calculait pas s’il y avait profit ou perte le sang se donne pour rien ou ne se donne pas. La conscience le paye ici-bas, et Dieu là-haut.

Parmi les faiblesses que la chevalerie chrétienne avait prises sous sa garde, il y en avait une sacrée entre toutes, c’était celle de l’Église. L’Église, n’ayant ni soldats ni remparts pour se défendre, avait été toujours à la merci des persécuteurs. Dès qu’un prince lui voulait du mal, il pouvait tout contre elle. Mais quand la chevalerie se fut formée, elle prit sous sa protection la cité de Dieu, d’abord parce que la cité de Dieu était faible, ensuite parce que la cause de sa liberté était la cause même du genre humain. À titre d’opprimée, l’Église avait droit comme tout autre à l’assistance du chevalier ; à titre d’institution fondée par Jésus-Christ pour perpétuer l’œuvre de l’affranchissement terrestre et du salut éternel des hommes, l’Église était la mère, l’épouse, la sœur de quiconque avait un bon sang et une bonne épée. Je