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me persuade qu’il n’est personne aujourd’hui qui soit incapable d’apprécier cet ordre de sentiments ; la gloire de notre siècle, parmi bien des misères, est de connaître qu’il est des intérêts plus hauts, plus universels que les intérêts de famille et de nation. La sympathie des peuples franchit de nouveau leurs frontières, et la voix des opprimés retrouve dans le monde un écho. Quel est le Français qui n’accompagnerait de ses vœux, sinon de sa personne, une armée de chevaliers marchant à travers l’Europe au secours de la Pologne ? Quel est le Français, même incroyant, qui ne compte parmi les crimes dont souffre cet illustre pays la violence faite à sa religion, l’exil de ses prêtres et de ses évêques, la spoliation des monastères, le rapt des églises, la torture des consciences ? Si l’arrestation arbitraire et l’emprisonnement de l’archevêque de Cologne ont causé à l’Europe moderne une si vive émotion, que dut-ce être de l’Europe du treizième siècle apprenant qu’un ambassadeur apostolique venait d’être tué en trahison par un coup de lance ?

Ce n’était pas d’ailleurs le premier acte oppressif dont la chrétienté avait à demander raison au comte de Toulouse. Depuis longtemps nulle sécurité n’existait plus pour les catholiques dans les pays dépendant de sa domination. Les monastères étaient dévastés, les églises pillées ; il en avait transformé plusieurs en forteresses ; il avait chassé de leurs siéges les évêques de Carpentras et de Vaison ; un catholique ne pouvait obtenir justice de lui contre