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en est capable, et le rend participant de l’honneur invincible qui est en Jésus-Christ crucifié. L’orgueil peut-être ne comprend point ce que je dis là mais qu’importe ? Il y a longtemps que la croix est maîtresse du monde, sans que l’orgueil ait encore deviné pourquoi. Laissons cet aveugle-né, et répétons à qui peut l’entendre la parole de Celui qui a conquis la terre et le ciel par un supplice volontairement souffert : Quiconque s’élève sera abaissé, quiconque s’abaisse sera exalté[1]. Si donc le comte de Toulouse eût été de bonne foi, la pénitence qu’il avait acceptée eût ramené l’intérêt sur sa tête par tous les côtés. Les hommes malheureux ne sauront jamais assez la puissance de l’arme qui est dans leurs mains. Mais le comte de Toulouse n’était pas de bonne foi ; la politique seule lui avait arraché des promesses qu’il n’avait pas la volonté d’accomplir, et lorsque, aux portes de l’abbaye de Saint-Gilles, après avoir juré, sur les reliques des saints et sur le corps même du Seigneur, de tenir tout ce qu’il avait promis, il présenta ses épaules nues aux verges du légat, ce n’était plus qu’une indigne scène de parjure et d’ignominie. Ce qu’il n’eût pas dû souffrir à la dernière extrémité, cet homme le souffrait sans avoir tiré l’épée. Une circonstance mémorable vint aggraver son châtiment et lui donner un grand caractère. Quand il voulut sortir de l’église, la foule était si pressée, qu’il ne put faire un pas ; on lui

  1. Saint Matthieu, xxiii, 12.