Page:Lacretelle Silbermann.djvu/119

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livres, par ton éloquence, feras s’accomplir ces choses en France.

Mais il n’avait plus la même foi dans son idéal et me répondait par un geste sceptique. Quant au grand rôle que je lui assurais plus tard, il me disait avec une grimace amère :

— Tu oublies que je suis Juif.

— Mais ce qui se passe actuellement n’a pas d’importance, répliquais-je. Hors du lycée cette hostilité ne durera pas.

— Elle durera — reprenait-il d’une voix singulièrement profonde, tandis que ses joues se chargeaient d’un rouge sombre — elle dure pour moi aussi haut que je remonte dans mes impressions d’enfance. Ah ! tu ne peux savoir ce qu’est de sentir, d’avoir toujours senti, le monde entier dressé contre soi. Oui, le monde entier. Chez tous, même chez ceux qui n’ont point de haine, nous devinons, à leurs regards, à un certain air, une arrière-pensée qui nous blesse. Mais, tiens !