sans délicatesse les belles pommes écarlates, les pêches tendres et poudrées, les prunes lisses et glacées. Or, Célestine, notre cuisinière, n’aimait pas cet homme « venu on ne sait d’où », disait-elle, et lorsqu’elle avait eu affaire avec lui, on l’entendait maugréer en revenant :
— C’est malheureux de voir ces beaux fruits touchés par ces mains-là.
Silbermann, ignorant ce petit mouvement instinctif, poursuivit :
— Si les livres t’intéressent, tu viendras un jour chez moi, je te montrerai ma bibliothèque et je te prêterai tout ce que tu voudras.
Je le remerciai et acceptai.
— Alors quand veux-tu venir ? dit-il aussitôt. Cet après-midi, es-tu libre ?
Je ne l’étais point. Il insista.
— Viens goûter jeudi prochain.
Il y eut dans cet empressement quelque chose qui me déplut et me mit sur la défensive. Je répondis que nous convien-