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Page:Lacroix - Contes littéraires du bibliophile Jacob à ses petits-enfants, 1897.djvu/145

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bourrades, nierez-vous, messire le fripon, que vous me ravissez le plus clair de mon bien ? Çà, messieurs, dit-il en s’adressant aux témoins de la scène, je vous interpelle tous : quel châtiment mérite ce fourbe qui s’enrichit à mes dépens ? Admirez, messeigneurs, comme vos dons et charités enrichissent ce gueux d’hôpital ! Mais je ne suis pas si privé d’yeux qu’on imagine, car le sort m’a planté des yeux aux oreilles. Ô le mécréant, fils de Juif et d’Arabe ! combien de sous marqués se sont évanouis entre ses doigts ! L’ingrat, que j’ai retiré du péril de la prison et de pire, me paie de la sorte ma folle humanité ! Mordié, pour le punir, je m’en vais le battre, devant vous, en gamme chromatique.

Le Savoyard, sourd aux supplications de l’enfant qui se débattait de toutes ses forces, lui déboucla ses chausses, d’où l’argent volé tombait en s’éparpillant, et lui infligea publiquement la punition du fouet, qui n’était pas encore banni de la justice légale. D’Assoucy, essoufflé de résistance et de prières, subit héroïquement ce supplice, et se vengea en piquants jeux de mots, quand il se retrouva debout sur ses pieds, et ne montrant plus que son visage narquois à l’assemblée. Les spectateurs qui avaient ri de cette exécution rirent davantage des plaisants quolibets que la colère inspirait au patient ; le Savoyard, déconcerté par cette verve d’invectives, proposa lui-même, à son page des conditions de paix, qui ne furent pas acceptées ; ce ne fut qu’une trêve de part et d’autre.

Sur ces entrefaites, une horde de sauvages de la lie du peuple se précipita sur le Pont-Neuf, où le gibet avait été,