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Page:Lacroix - Journal d'un habitant de Nancy, 1873.pdf/161

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mercredi 31 août, jeudi 1er septembre. — 1870.

hôtes : j’ai eu aujourd’hui, à l’occasion de l’un d’eux, une petite alerte qu’il faut résumer en deux mots. En rentrant chez moi, cet après-midi, je trouve ma maison mise en émoi par l’arrivée soudaine d’un officier bavarois et de son ordonnance qui s’étaient déjà installés pour le logement, et qui s’étaient fait aussitôt servir à manger. Comme c’est le troisième billet de logement que je reçois depuis deux jours, je trouve que c’en est trop pour ma part et, après avoir déclaré aux nouveaux venus que je ne voulais pas d’eux et que j’allais les faire partir, je cours tout échauffé à la Mairie, pour réclamer contre cette surcharge et obtenir d’en être exonéré. Pendant mon absence entre dans la maison un grand diable d’officier, inspecteur des logements militaires, que l’autre avait informé par la fenêtre des difficultés que je faisais pour le recevoir. Il était encore dans l’escalier, que l’on entendait de chez moi les éclats de sa voix fulminante qui mettait tout le voisinage en alarme et qui annonçait un orage. — « Madame, dit-il à ma mère, accourue tout effarée à ce bruit menaçant, M. le professeur ne veut pas recevoir nos officiers. Qu’il y prenne garde. Cela lui coûtera cher. On va l’accabler de soldats ; il en aura vingt, quarante, cinquante, cent à la fois. Il faudra qu’il leur donne tout ce qu’ils demanderont, de la viande, du lard, du vin, du café, des cigares. Dites-lui cela et qu’il se tienne bien pour averti. » — Il partit après cette algarade. À mon retour, on me conta l’affaire, et je jugeai à propos de ne pas me le