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Page:Lacroix - Journal d'un habitant de Nancy, 1873.pdf/56

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du dimanche 7 au jeudi 11 août. — 1870.

main. Je rassemble mon argent de manière à pouvoir le fourrer à l’instant dans ma poche, en cas de surprise. Ma mère m’assiste dans ces tristes soins, se préoccupant surtout de son reliquaire et de ses chers souvenirs de famille. Il est tard. Onze heures ont sonné à toutes les horloges de la ville. Le silence et la solitude ont enveloppé tout le faubourg, et nos pensées n’ont fait que s’assombrir avec le progrès de la nuit.

Tout-à-coup une fanfare furibonde se fait entendre, accompagnée de tambours battant la charge au pas redoublé. — « Voilà les Prussiens, m’écriai-je, en me précipitant vers la fenêtre. — Oui, ce sont eux, dit ma mère, je les reconnais, c’est tout-à-fait comme en 1815. » — Et nous restons collés aux vitres, regardant, les yeux troublés, défiler cette troupe qui s’engouffre rapidement sous la voûte de la porte Saint-Georges.

Cependant la bande avait disparu dans la ville et le silence s’était rétabli dans la rue. Quelques voisins étaient descendus et causaient tranquillement sur le trottoir. Je vais les rejoindre et j’apprends d’eux que la troupe, cause de cette alerte, n’était autre chose qu’un bataillon du 12e de ligne, quittant son campement de la prairie voisine pour aller à Châlons ou à Metz. — « Fort bien, murmurai-je en rentrant, mais à quoi bon tout ce vacarme à une pareille heure ; ne pouvaient-ils pas décamper sans tambours ni trompettes ? Quand on fait tant de bruit, il est à craindre qu’on ne fasse pas beaucoup de besogne. — »