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Page:Lacroix - Journal d'un habitant de Nancy, 1873.pdf/58

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du dimanche 7 au jeudi 11 août. — 1870.

bourg situé dans une contrée riante, au bas d’une longue descente bien connue de tous ceux qui ont parcouru la grande route de Soissons à Laon, et qui s’appelle Chavignon. Nous n’avions pas pensé un seul instant, ma mère et moi, à renoncer à ce rendez-vous, et notre projet était resté jusqu’à ce matin à l’ordre du jour. Si bien que la session terminée hier soir, nous avons fait descendre nos malles pour les charger. Et cependant nous ne partons pas et nous prenons la résolution de rester à Nancy et d’y attendre de pied ferme l’invasion.

Ce n’était pas de l’héroïsme ; c’est tout simplement du bon sens. Il nous a paru qu’il n’est pas sage d’abandonner son domicile lorsqu’on sait que la meilleure manière de le faire respecter est d’y rester ; qu’il n’est pas généreux de livrer à elles-mêmes notre bonne domestique Joséphine, et sa fille Louise, que nous avons chez nous depuis plus de 16 ans, au moment où l’idée de notre départ les plonge dans la consternation ; qu’il n’est pas convenable d’augmenter par sa fuite la panique générale qui entraîne au chemin de fer le flot éperdu des émigrants ; enfin qu’il n’est pas expédient d’aller au loin et à l’aventure, en laissant derrière soi tant de sujets d’inquiétude, et cela sans être sûrs d’aller au devant de la sécurité. Bref, nous sommes décidés à rester chez nous, à Nancy ; nous nous sentons même satisfaits de notre résolution, et nous espérons bien que nous n’aurons pas à nous en repentir.