Page:Lafargue - La légende de Victor Hugo, 1902.djvu/27

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restée stationnaire, je pense, monsieur le vicomte, n’être pas sans quelque droit à une augmentation... Je dépose avec confiance ma demande entre vos mains, en vous priant de vouloir la mettre sous les yeux de ce roi qui veut faire des beaux-arts, le fleuron le plus éclatant de sa couronne. » On ne tint nul compte de la demande si pressante et si motivée du fidèle serviteur, qui pour se consoler, épancha son désappointement, dans une pièce de vers, où il traita Charles X de « roi-soliveau » et ses ministres de malandrins, qui « vendraient la France aux cosaques et l’âme aux hiboux. » Mais afin de conserver les pensions acquises, il garda ses vers en portefeuille jusqu’en 1866 : ils sont publiés dans Les chansons des rues et des bois sous le titre : « Écrit en 1827. »

Il est regrettable que Victor Hugo, au lieu de prêter à sa mère ses opinions royalistes pour pallier son péché de royalisme, n’ait pas simplement avoué la vérité, qui était si honorable. En effet qu’y a-t-il de plus honorable que de gagner de l’argent ! Hugo vendait au roi et à ses ministres son talent lyrique, comme l’ingénieur et le chimiste louent aux capitalistes leurs connaissances mathématiques et chimiques, il détaillait sa marchandise intellectuelle en strophes et en odes, comme l’épicier et le mercier débitent leur cotonnade au mètre et leur huile en flacons. S’il avait confessé qu’en rimant l’ode sur la naissance du duc de Bordeaux ou l’ode sur son Baptême, ou n’importe quelle autre de ses odes, il avait été inspiré et soutenu par l’espoir du gain, il aurait du coup conquis la haute estime