Page:Lafargue - La légende de Victor Hugo, 1902.djvu/37

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plus beaux vers qu’ils avaient inspirés ». Mais les doctrines républicaines, qui ne savaient se donner du poids par des gratifications, pénétraient difficilement dans son cerveau : il n’eut pas besoin, comme le Marius des Misérables, de monter sur les barricades et d’y recevoir des blessures pour se guérir de son néo-républicanisme. Dès qu’il comprend que le trône de Louis-Philippe est affermi, il déclare « il nous faut la chose république et le mot monarchie »[1]. Cette phrase qui paraîtra un plagiat du mot historique de Béranger, est une profession de foi : elle voulait dire, qu’il allait accepter les grâces et faveurs de la monarchie, tout en restant républicain dans son for intérieur. Sous Louis XVIII et Charles X, il adorait Napoléon dans son cœur, et l’insultait dans les vers publiés, pour plaire à ses patrons légitimistes. Le républicain flatta Louis-Philippe pour obtenir la pairie, comme le napoléonien adula les Bourbons pour arracher des pensions.

Le 21 juillet 1842, il eut le courage de jeter à la face de Louis-Philippe des phrases de ce calibre : « Sire, vous êtes le gardien auguste et infatigable de la nationalité et de la civilisation... Votre sang est le sang du pays, votre famille et la France ont le même cœur... Sire, vous vivrez longtemps encore, car Dieu et la France ont besoin de vous ». Victor Hugo a toujours été cosmopolite : il unissait tous les rois d’Europe dans son adulation. Plus tard, après 1848, il parlera des États-Unis d’Europe.

  1. Victor Hugo. Philosophie et littérature mêlées, 1834. Journal d’un révolutionnaire de 1830.