Page:Lafargue - La légende de Victor Hugo, 1902.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

en Europe, il thésaurise des millions et il obtient la palme du martyre !...

Les amis et les adversaires de Victor Hugo, ont accrédité des jugements téméraires portés sur lui par la crainte et l’admiration : dans l’intérêt de sa gloire il est nécessaire de les réviser.

La phraséologie fulgurante du Hugo des trente-cinq dernières années donne la chair de poule aux trembleurs qu’épouvantent les mots ; aux Prudhommes, pour qui tout saltimbanque, jonglant avec les vocables Liberté, Egalité, Fraternité, Humanité, Cosmopolitisme, États-Unis d’Europe, Révolution et autres balançoires du libéralisme, est un révolutionnaire, un socialiste bon à coffrer, sinon à fusiller. Mais Hugo, et c’est là son plus sérieux titre à la gloire, sut mettre en contradiction si flagrante ses actes et ses paroles, qu’il ne s’est pas encore rencontré en Europe et en Amérique un politicien pour démontrer d’une manière plus éclatante la parfaite innocuité des truculentes expressions du libéralisme.

Ainsi que l’on se nourrit de pain et de viande, Hugo se repaît d’Humanité et de Fraternité. — Le 14 août 1848, huit jours après le départ du premier convoi, qui transportait 581 insurges, il fonda à côté de la Réunion de la rue de Poitiers la Réunion de la Fraternité. La peur de perdre leur cher argent, que les Pereire et les Mirès de la finance impériale, devaient confisquer si allègrement, avait enragé les petits bourgeois de 1848. La presse honnête et modérée racontait sur les insurgés des histoires épouvantables : — Maisons pillées, mobiles sciés entre deux planches, crânes qu’on emplissait de vin