Page:Lafargue - La légende de Victor Hugo, 1902.djvu/54

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et qu’on vidait en chantant des obscénités... Hugo savait que si les insurgés envahissaient les maisons, ils ne les pillaient pas ; il les avait vus se battre en héros. La simple humanité lui commandait de protester contre ces idiotes calomnies et d’essayer d’apaiser ces bourgeois apeurés, réclamant une impitoyable répression. Mais la Fraternité hugoïste n’était pas de composition si humaine, elle n’entendait pas suspendre l’action des conseils de guerre, « mais tempérer l’œil du juge par les pleurs du frère... et tâcher de faire sentir jusque dans la punition la fraternité de l’assemblée. » (Événement, nº 14). — Et dans presque tous les numéros, l’Événement continuait à exciter les colères et les peurs contre les vaincus[1].

La liberté était un des Pégases, qu’enfourchait Hugo. Mais il faut être par trois fois Prudhomme pour ne pas s’apercevoir que le Pégase hugoïste était trop gonflé de vent pour prendre le mors aux dents et lancer des pétarades. La fougueuse liberté de Hugo était un humble bidet, qu’il remisait dans l’écurie de tous les gouvernements. Depuis l’immortelle révolution de 1789, Liberté, Liberté chérie, est le refrain à la mode. Tous les politiciens depuis Polignac jusqu’à Napoléon le Petit l’ont répété sur

  1. Cette fraternité pleurarde de crocodile reprocha à un poète qui ne se dégrada jamais jusqu’à pincer de la guitare philanthropique, à Alfred de Musset, d’avoir envoyé « aux victimes de juin » un prix de 1.300 francs que venait de lui accorder l’Académie. L’Événement du 23 août commentait ainsi l’acte : « qu’il nous soit permis de faire observer à M. de Musset que sa détermination ne remplit nullement le but du legs fait par M. le comte de Latour-Landry. C’était à un poète peu favorisé de la fortune et non à une œuvre patriotique que le don devait appartenir ».