Page:Lafargue - La légende de Victor Hugo, 1902.djvu/56

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fausse philanthropie de nos jours » et démontrait triomphalement la nécessité de la misère pour arriver à l’équilibre social. — « L’opulence oisive est la meilleure amie de l’indigence laborieuse, développe le journal hugoïste. Qui est-ce qui fournit à la richesse ce ruineux superflu ; cette recherche, ce colifichet dont se compose la mode et le plaisir ? Le travail, l’industrie, l’art, c’est-à-dire la pauvreté. Le luxe est la plus certaine des aumônes c’est une aumône involontaire. Les caprices du riche sont les meilleurs revenus du pauvre. Plus le salon aura de plaisir, plus l’atelier aura de bien-être. Mystérieuses balances qui mesurent les plus lourdes nécessités d’une partie de la société aux plus légères frivolités de l’autre ! Équilibre étrange qui s’établit entre les fantaisies d’en haut, et les besoins d’en bas ! Plus il y a de fleurs et de dentelles dans le plateau qui monte, plus il y a de pain dans le plateau qui descend ! » — Le gaspillage le plus inutile et le plus ridicule devient une des voies mystérieuses de la divine providence pour créer l’harmonie sociale, basée sur la misère besogneuse et la richesse oisive. Jamais le luxe n’a été plus magnifiquement glorifié. Lorsque l’Evénement, l’organe de la Fraternité hugoïste, publia son apologie du luxe, deux mois à peine s’étaient écoulés depuis l’insurrection de juin, ce « protêt de la misère » et le sang de la guerre civile rougissait encore le pavé des rues.

Les mots dont Hugo enrichit son vocabulaire après 1848, lui portèrent tort dans l’esprit des Prudhommes : ils les ahurissaient au point de leur faire prendre des vessies pour des lanternes et l’écrivain