Page:Lafargue - La légende de Victor Hugo, 1902.djvu/63

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mieux à son cerveau romantique. Ce changement de Dieux prouve la sincérité de son déisme. Il lui fallait à tout prix un Dieu ; il en avait besoin pour son usage personnel, pour être un prophète, pour être un trépied[1].

Il s’éleva sans difficulté jusqu’au niveau de la grossière irréligion de ses lecteurs : car on ne lui demandait pas de sacrifier les effets de banale poésie que le romantisme tirait de l’idée de Dieu et de la Charité chrétienne, sur qui les libres-penseurs se déchargent du soin de soulager les misères que crée leur exploitation ; il put même continuer à faire l’éloge du prêtre et de la religieuse, ces gendarmes moraux que la bourgeoisie salarie pour compléter l’œuvre répressive du sergot et du soldat[2]

Victor Hugo est mort sans prêtres, ni prières ; sans confession ni communion, les catholiques en sont scandalisés ; mais les gens à bon Dieu, ne peuvent lui reprocher d’avoir jamais eu une pensée impie. Son gigantesque cerveau resta hermétiquement bouché à la critique démolisseuse des encyclopédistes

  1. « Le poète est lui-même un trépied. Il est le trépied de Dieu. » William Shakespeare, par Victor Hugo, p. 53.
  2. « Rien ne se pénètre, ne s’amalgame plus aisément qu’un vieux prêtre et un vieux soldat. Au fond c’est le même homme. L’un s’est dévoué pour la patrie d’en bas ; l’autre pour la patrie d’en haut ; pas d’autre différence. » (Les Misérables).