Page:Lafargue - La légende de Victor Hugo, 1902.djvu/64

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et aux théories philosophiques de la science moderne. En 1831, un débat scientifique passionna l’Europe intellectuelle : Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire discutaient sur l’origine et la formation des êtres et des mondes. Le vieux Gœthe, que Hugo appelle dédaigneusement « le poète de l’indifférence », l’âme remplie d’un sublime enthousiasme, écoutait raisonner ces deux puissants génies. — Hugo, indifférent à la philosophie et à la science, consacrait son « immense génie » qui « embrassait dans son immensité le visible et l’invisible, l’idéal et le réel, les monstres de la mer et les créatures de la terre... » à basculer la « balance hémistiche » et à rimer nombril et avril, juif et suif, gouine et baragouine, Marengo et lumbago.

Trente ans plus tard, Charles Darwin reprenait la théorie de G. Saint-Hilaire et de Lamarck, son maître ; il la fécondait de son vaste savoir et de ses découvertes géniales ; et, triomphante, il l’implantait dans la science naturelle et renouvelait la conception humaine de la création. Hugo, « le penseur du XIXème siècle », que les hugolâtres nomment « le siècle de Hugo » ; Hugo, qui portait dans son crâne « l’idée humaine » vécut indifférent au milieu de ce prodigieux mouvement d’idées. Il poeta sovrano, qui passa la plus grande partie de sa vie à courir dans les catalogues de vente et les dictionnaires d’histoire et de géographie, après les rimes riches, ne daigne pas s’apercevoir que Lamarckisme, Darwinisme, Transformisme, rimaient plus richement encore que faim et génovéfain.

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