Page:Lafargue - Pamphlets socialistes, 1900.djvu/90

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fièvre de ses caresses et de la chaleur de ses étreintes; car il faut que, tandis que l’acheteur mange de baisers son corps vendu, son âme libre songe à l’argent qui lui est dû.


La courtisane filoute ceux qui l’achètent; elle les oblige à payer au poids de l’or le plaisir d’amour qu’ils apportent en eux. Et parce que, lorsqu’elle vend l’amour, la marchandise vendue n’existe pas, notre Dieu-Capital, pour qui le vol et la falsification sont les premières des vertus théologales, bénit la courtisane.


Femmes qui m’écoutez, je vous ai révélé le mystère de l’énigmatique froi­deur de la courtisane, de la courtisane marmoréenne, qui convie la classe entière des élus du Capital au banquet de son corps et leur dit: «Prenez, man­ger et buvez, ceci est ma chair et ceci est mon sang».


*


L’épouse fidèle et bonne ménagère que les gens du monde honorent en paroles, mais s’empressent de fuir et de laisser se morfondre au foyer conju­gal, isole l’homme de ses semblables, engendre et développe dans son sein la jalousie, cette passion antisociale, qui empoisonne de bile le sang, et l’empri­sonne dans son chez soi; elle le mure dans l’égoïsme familial. La courtisane, au contraire, libère l’homme du joug de la famille et des passions.


L’argent crée des distances parmi les hommes, la courtisane les rapproche, les unit, Dans son boudoir, ceux qui divisent l’intérêt fraternisent, un pacte secret,