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MOLIÈRE.

Après tant de malheurs, après mon imprudence
Le trépas me doit seul prêter son assistance.

MASCARILLE.

Voilà le vrai moyen d’achever son destin
Il ne lui manque plus que de mourir enfin
Pour le couronnement de toutes ses sottises.

(Étourdi, V, x).
ASCAGNE.

Si rien ne peut m aider, il faut donc que je meure ?

FROSINE.

Ah ! pour cela, toujours il est d’assez bonne heure.
La mort est un remède à trouver quand on veut,
Et l’on s’en doit servir le plus tard que l’on peut.

(Dépit, IV, i).

À plus forte raison, lorsqu’il s’agit des gestes et des actions. Il faut, à tout prix, que rien ne soit fait d’irréparable, de lamentable, il faut que tout le monde, devant ces petites ou grandes misères humaines, reprenne, avec l’équilibre de ses pensées, l’indulgence ou l’oubli salutaires qui rendent le goût et le plaisir de vivre. Aussi, quand les vieillards dupés, les maris trompés, les amoureux trahis, les maniaques bernés, malgré leurs faiblesses, leurs erreurs, leurs ridicules, deviennent, à force de souffrance, sympathiques et touchants, avec quelle rapidité, souvent brusque et brutale, Molière les dérobe à nos tentations d’apitoiement ! Tantôt c’est par quelque coup de théâtre, dénouement imprévu d’une intrigue invraisemblable, intervention d’une puissance extérieure, conclusion fatale d’une situation inextricable, qu’Arnolphe, Orgon, Georges Daudin, sont rejetés meurtris et désolés, comme Alceste, dans les cou-