Page:Lafenestre - Molière, 1909.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
139
passions et caractères.

lisses de la réalité. Tantôt, c’est dans la fantaisie bouffonne d’un ballet échevelé que Jourdain, Pourceaugnac, Argan, toujours mystifiés, s’étourdissent eux-mêmes sur les suites de leurs erreurs vaniteuses ou de leur sotte pusillanimité.

Au milieu de ces crises sentimentales ou familiales, le sentiment de la vie active, naturelle et confiante, est sans cesse entretenu par d’autres personnages sympathiques. Ce sont tantôt de jeunes amoureux et fiancés, si sincères dans leurs dépits et raccommodements, si honnêtes dans leurs désirs, si respectueux et généreux, presque toujours, même dans leurs querelles les plus vives avec leurs parents ; tantôt, des conseillers prudents et modestes, hommes de sens rassis et de langage mesuré, que les liens du sang ou ceux de l’amitié retiennent auprès des détraqués et des affolés, vis-à-vis des drôles et des fripons, pour prêcher la tolérance et rétablir la paix.

Néanmoins, le rôle le plus effectif, pour la résistance aux idées fausses et la défense du sens commun, n’y est point confié à ces aimables parleurs, discrets et modérés, trop polis pour ne pas atténuer, dans les mots, le fond même de leurs sentiments. Pour lancer la saillie, vive et brève, qui s’enfonce rapidement, comme un dard, dans l’oreille et dans la raison, pour trouver la locution sonore et imagée, la formule tranchante et péremptoire, le proverbe décisif, jailli d’une expérience séculaire, qui tranche la question et clôt le débat, il y faut des esprits plus simples et des bouches plus libres. Parmi les bourgeois, ce seront les moins cultivés, les plus récemment sortis des fortes racines plébéiennes, ravivant