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MOLIÈRE.

et vibrante, à l’expression d’une sottise ridicule et d’une sensibilité touchante. La même admiration pour la virtuosité de cette période est partagée, par tous les vrais poètes du théâtre en notre temps, depuis Théophile Gautier et Théodore de Banville jusqu’à MM. Catulle Mendès, Jean Richepin, Edmond Rostand, etc…. Il suffît de les lire pour en être convaincu.

À ce point de vue, comme à tant d’autres, c’est une perte déplorable que celle de la fameuse valise où Molière conservait ses manuscrits. On y aurait trouvé, sans doute, l’explication des deux affirmations différentes présentées par les contemporains au sujet de sa façon de travailler. Si nous en croyons Boileau, si nous l’en croyons lui-même, il aurait rimé nombre de ses pièces, à l’improviste, sur commande, par occasion, avec une extraordinaire facilité. Si nous prêtons l’oreille aux témoins de ses labeurs, il faut penser autrement. Le fidèle Lagrange, dans sa notice bibliographique, en 1682, en constatant l’inégalité des ouvrages, l’attribue « à la très grande précipitation » du travail dans certaines circonstances. Quelques années plus tard, Baron, comme nous l’avons déjà dit, par la bouche de Grimarest, ajoute, à l’observation de Lagrange, que Molière était « l’homme du monde qui travaillait avec le plus de difficulté », mais que, d’autre part, il avait un « magazin d’ébauches » où il puisait sans cesse.

Tous ces renseignements ne sont pas aussi contradictoires qu’il semble. Ils peuvent même nous expliquer, si je ne me trompe, et les intermittences de la qualité littéraire dans le cours d’un même