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le style.

ouvrage, et l’anachronisme évident de morceaux juxtaposés, notamment dans les divertissements royaux. Il est tel ou tel morceau de bravoure satirique ou descriptif, dans les Fâcheux, par exemple, ou le Misanthrope, ou les Femmes savantes qui déploie tout à coup la verve brillante de la première période dans un entourage de style plus grave ou plus pénible.

Le Misanthrope, pour les scènes de jalousie est une refonte du Don Garcie avec reprise corrigée d’un grand nombre de vers. On y trouve même un fragment de la traduction de Lucrèce. Les scènes du sonnet et des portraits dans le cercle de Célimène, des marquis ridicules et de Dubois peuvent bien être sorties du « magazin ». Malgré la fermeté générale du style, et son aptitude, dans le Misanthrope et dans le Tartuffe, à exprimer en vers pleins, francs et clairs, les sentiments les plus profonds et les plus compliqués, les idées morales les plus hautes, c’est là pourtant que les puritains de cabinet peuvent signaler justement quelques-uns de ces passages embrouillés, bourrés d’incises, de qui et de que, qui trahissent trop l’effort de l’écrivain. C’est peu de temps avant sa mort qu’il se montrera vraiment le maître incomparable de l’alexandrin théâtral dans les Femmes savantes, comme celui de la prose dans le Malade imaginaire. Quant au vers libre, où son libre génie évoluait avec plus de joie, il avait déjà montré, dans Amphytrion, qu’il savait l’adapter à toutes les nécessités du dialogue et de l’action scéniques avec la même supériorité que l’avait fait son ami La Fontaine pour la narration joyeuse ou morale. Amphytrion fut composé ou achevé à loisir,