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MOLIÈRE.

durant une période d’accalmie matérielle. Il n’en fut pas de même de Psyché dont il dut confier l’achèvement au sexagénaire Corneille. Nous avons vu comment le vieux lion saisit l’occasion offerte d’y prouver sa verdeur opiniâtre :

Tel Sophocle à cent ans charmait encore Athènes.

Dans cette lutte de deux générations sur un terrain poétique et sentimental en dehors de leurs besognes ordinaires, ce fut l’aîné qui l’emporta.

Ces obligations de travail rapide, sans cesse interrompu par des contretemps extérieurs, se révèlent encore dans l’énorme quantité de vers tout faits qui parsèment ses œuvres en prose. Dans le Sicilien, notamment, et dans l’Avare, les alexandrins sont si nombreux et si bien frappés qu’on peut croire à l’intention de versifier plus tard la pièce entière. Mais il n’y a pas que les alexandrins. Les décasyllabiques et les octosyllabiques y sont si fréquents aussi qu’on a pu rétablir des pages entières de vers libres régulièrement entremêlés auxquels il ne manquait que la rime. Cette recherche et cette fréquence du rythme musical dans la prose est aussi l’une de ces inconvenances qui scandalisent Ménage-Vadius. Quelques-uns ont supposé qu’il faisait là des tentatives encore inavouées de faire accepter sur la scène un langage mi-prose, mi-vers, mais d’un nombre toujours harmonieux, qui lui aurait donné les mêmes libertés d’appropriation lyrique et réaliste qu’au théâtre anglais dont il avait, très probablement, entendu parler. Ce n’est peut-être aussi que le résultat de la