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jeunesse et apprentissage.

En décembre, rappel à Montpellier par Conti, qui, marié, assagé, amnistié, y vient, avec sa jeune femme, une Mazarine délurée, présider en personne les États. Cette fois, grand accueil et grand succès. On y raccole une autre troupe de danseurs et musiciens, on y enrôle bon nombre d’amateurs, marquis, barons, officiers, robins, bourgeois, pour y jouer, devant le couple princier, l’étrange ballet-moralité des Incompatibles. C’est une suite d’entrées, avec des couples allégoriques de danseurs, symbolisant des êtres ou idées contradictoires, Fortune et Vertu, Vieillards et Jeunes Gens, Philosophes et Soldats, Charlatans et Campagnards, le Sage et l’Amoureux, la Vérité et le Courtisan, le Silence et les Femmes, etc., etc… Suivant l’usage, quelques vers, avec allusions personnelles, inscrits sur le programme, expliquaient chaque entrée. Molière y figure deux fois, comme Poète, compagnon du Peintre et de l’Alchimiste, dans l’incompatibilité avec l’Argent, et comme la Harengère, dans sa rencontre hostile avec l’Éloquence. Travesti en femme des Halles, annonçant l’association des contraires, de la crudité gauloise et de la gravité classique, de la Farce et de la Poésie, le comédien y révèle déjà ses espérances et les ambitions de l’auteur :

Je fais d’aussi beaux vers que ceux que je récite…

Est-ce alors que furent composées et jouées, sous un autre titre, les Précieuses ridicules ? On l’a pensé. Il semble aussi qu’après la mort de Sarrazin le prince de Conti ait alors offert une place de secrétaire au comédien. Molière, heureusement, refusa.