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jeunesse et apprentissage.

pas là, pour le poète en gestation de génie, que fermentent les idées propices à son éclosion ? L’apaisement des esprits, l’approche d’un nouveau règne, un besoin général d’ordre, de clarté, de vérité, de naturel, de gaîté, dans la littérature comme dans la société, le succès des œuvres de la pensée qui répondent à cette aspiration nouvelle, tout semble lui montrer une place à prendre.

Enfin, enfin, en mai 1658, on peut se transporter de Grenoble à Rouen, se rapprocher du Paradis perdu ! À Rouen, le trio des étoiles, la Béjart, la Du Parc, la De Brie, éblouissent les Normands. La Du Parc en affole quelques-uns, parmi lesquels les deux frères Corneille, le vieux et le jeune. On sait avec quelle verve orgueilleuse l’auteur du Cid se vengea des mépris de la comédienne. De Rouen, Molière put aisément pousser des pointes vers Paris. Il n’y apparaissait plus en déclassé besogneux, en débutant. Une réputation, patiemment conquise, l’y précédait. Beaucoup d’amis l’y attendaient. Ses qualités exceptionnelles d’homme actif, de beau parleur, de fin diplomate, firent le reste. Le duc d’Anjou, frère du roi (plus tard duc d’Orléans), lui accorda, à lui et à sa troupe « l’honneur de sa protection, avec 300 livres de pension pour chaque comédien ». Plus tard, il est vrai, Lagrange ajoutera, sur son registre, en marge : « Nota que les 300 livres n’ont pas été payées. » N’importe ! L’honneur suffisait. Molière avait été présenté par le jeune duc à sa mère, la régente Anne d’Autriche, à son frère, le roi Louis XIV. Les portes de la cour, celles de l’avenir étaient entrebaillées. C’était à Molière de les ouvrir