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MOLIÈRE.

toutes grandes. Il était trop avisé, trop résolu, trop bien armé, pour y manquer.

Il avait trente-six ans. Au physique, nous le connaissons par divers portraits, peints ou gravés. Les plus parlants sont ceux de la Comédie-Française et du Musée Condé, à Chantilly. À Paris, c’est le comédien en scène, l’acteur tragique, sous figure de héros, dans un de ses grands rôles préférés, celui de César (Mort de Pompée). Presque à mi-corps, cuirassé, drapé de pourpre, à-la romaine, le bras nu, il étreint, d’un geste tragique, son bâton de commandement. La tête, presque de face, chargée d’une lourde perruque et d’une grosse couronne de lauriers, se tourne, un peu relevée, d’un air de défi. Peinture théâtrale, un peu déclamatoire, qui fait penser à la diatribe caricaturale du venimeux Montfleury, son rival et concurrent de l’Hôtel de Bourgogne :

Un héros de romans !… Il vient, le nez au vent,
Les pieds en parenthèse et l’épaule en avant,
Sa perruque, qui suit le costé qu’il avance,
Plus pleine de lauriers qu’un jambon de Mayence,
Les mains sur ses costés, d’un air peu négligé,
La teste sur le dos comme un mulet chargé,
Les yeux fort égarés, puis débitant son rôle,
D’un hoquet éternel sépare ses paroles.

C’est une caricature malveillante. Mais il n’y a rien de tel que la caricature et la malveillance pour fixer, par excès, les traits d’une physionomie. Portrait et caricature sont évidemment tirés d’après le vif ; la seconde confirme l’exactitude du premier. On suppose, avec quelque vraisemblance, cette toile peinte par Mignard, à Avignon ou à Paris, dans les