Page:Lafenestre - Molière, 1909.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
25
jeunesse et apprentissage.

premiers temps de leur liaison, lorsque Molière n’était guère connu que comme acteur.

À Chantilly, en revanche, dans ce simple buste en médaillon, d’une date un peu postérieure, comme dans d’autres portraits de Mignard, aujourd’hui perdus, mais dont les gravures nous restent, c’est bien l’homme lui-même, le poète et le penseur. Mêmes traits caractéristiques que dans le César. Yeux saillants, noirs et vifs, aux regards droits et fermes, gros sourcils, le teint brun, le nez fort, les narines frémissantes, des lèvres épaisses et sanguines. Rien d’un bellâtre, ni dans l’un, ni dans l’autre. Dans tous les deux l’impression d’une virilité forte et franche. À Paris, chez le comédien plus jeune, une attitude résolue, fière, militante, provocante, qui n’est pas tout entière peut-être exigée par le rôle. À Chantilly, chez l’homme plus mûr, déjà fatigué par le travail et les soucis, toute la gravité simple d’une expérience amère et résignée, avec un effort de vague sourire singulièrement touchant. D’autres effigies, en pied, dans la toile des Farceurs italiens et français, à la Comédie-Française, ou sur les frontispices de quelques pièces improvisées, nous ont conservé, sous un troisième aspect, celui de l’acteur comique, la figure complète du grand homme. Toutes ces images nous permettent de le faire revivre devant nous, tel que nous l’a décrit la fille de son camarade Croisy, Mlle Poisson : « Ni trop gras, ni trop maigre ; la taille plutôt grande que petite, le port noble, la jambe belle. Il marchait gravement, l’air sérieux ».

Sérieux, il pouvait l’être. Par ces quinze années