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MOLIÈRE.

vanités littéraires y souleva aussitôt un immense coassement de grenouilles. Un vieux bourgeois eut beau crier : « Courage, courage, Molière, voilà de la bonne comédie ! ». Précieux et Précieuses s’agitent, chuchottent, complotent. Par l’influence d’un alcôviste de qualité, les représentations sont suspendues. Sans perdre la tête, Molière envoie la pièce au roi. Lorsqu’elle lui revient avec l’approbation attendue, il la remet le 2 décembre sur l’affiche, avec un titre plus noble, mais déjà plus provocant : Les Précieuses Ridicules, Comédie. Le succès fut énorme et ne se ralentit pas durant quatre mois. Outre les trois représentations par semaine au Petit-Bourbon, il en fallut donner beaucoup d’autres durant le Carnaval et le Carême, en visite. « On est venu à Paris de vingt lieues à la ronde, dit Gui Patin, et ceux qui font profession de galanterie et n’avaient pas vu les Précieuses n’osaient l’avouer sans rougir. »

Dès que le roi fut rentré à Paris avec sa jeune femme, Marie-Thérèse, il se fit jouer la pièce discutée à Vincennes le 29 juillet, puis les 21 et 26 octobre, au Louvre et chez Mazarin. Le Cardinal était déjà très malade. On remarqua que le roi se tint, tout le temps, debout, respectueusement, comme un invité, derrière le fauteuil de son vieux ministre. On était alors en train de démolir l’Hôtel du Petit-Bourbon pour commencer la Colonnade du Louvre. La troupe allait se trouver sans gîte. Le Cardinal lui témoigna sa sympathie par un don de 3 000 écus, le roi par un ordre envoyé à M. de Ratabon, surintendant des bâtiments, très hostile aux comédiens, celui de mettre en état, pour eux, la Salle de Théâtre au