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LES PREMIÈRES BATAILLES.

Palais-Royal (ancien Palais-Cardinal), construite par Richelieu et abandonnée depuis sa mort.

Décidément, Molière était bien en cour. Sa renommée s’établissait, mais avec la renommée, s’amassait, grossissait, s’irritait, de tous côtés, contre lui, la meute d’ennemis qui ne cessera d’aboyer à ses trousses. La guerre ouverte par les Précieuses, n’était encore qu’une petite guerre, professionnelle et littéraire, à la fois contre les comédiens rivaux de l’Hôtel de Bourgogne et du Marais, les auteurs attardés des amphigouris et vociférations héroïques, les vanités du pédantisme féminin et de l’infatuation mondaine. Léger combat d’escarmouche, brève mêlée d’avant-garde ! Mais le beau lutteur est mis en train par ce premier avantage. On va bientôt le voir, par des attaques hardies, entrecoupées de retraites prudentes, s’avancer patiemment, opiniâtrement, vers un but, d’abord indécis peut-être, mais qui, peu à peu, s’éclaire, s’agrandit, se rapproche.

Avant d’être expulsés du Petit-Bourbon, les « Comédiens de Monsieur » y avaient causé un nouveau scandale par un nouveau succès. Le 28 mai 1660, Molière, pour répondre aux gémissements des pruderies précieuses, y avait donné et joué en personne le Cocu imaginaire. Pouvait-on plus franchement s’affirmer comme l’héritier conscient et heureux des ancêtres gaulois, conteurs libres et goguenards du Moyen âge, farceurs et paradistes de la foire ? Déjà, après les Précieuses on lui avait prêté ces paroles : « Je n’ai plus que faire d’étudier Plaute et Térence, je n’ai plus qu’à imiter le monde ». La saillie ne saurait être exacte dans ces termes