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LES PREMIÈRES BATAILLES.

en effet. Dès le mois de février, un jeune arriviste, Donneau de Visé, le futur journaliste, fondateur du Mercure galant, ouvrit le feu dans ses Nouvelles Nouvelles contre « cette pièce que tout le monde a trouvée méchante, mais où tout le monde a couru… le sujet le plus mal conduit qui fût jamais… » Il se déclarait « prêt à soutenir qu’il n’y a point de scène où l’on ne puisse faire voir une infinité de fautes ». Force lui est bien, pourtant, d’avouer que « jamais comédie ne fut si bien représentée ; chaque acteur sait combien il doit faire de pas, et toutes ses œillades sont comptées ». Aveu naïf et intéressant des qualités exceptionnelles de Molière comme metteur en scène, instructeur des comédiens, acteur lui-même. Donneau terminait son pamphlet par l’éloge de l’Hôtel de Bourgogne « où l’on préparait une pièce pleine de ces tableaux du temps qui sont présentement en si grande estime… Elle est, à ce que l’on assure, de celui qui a fait les Nouvelles Nouvelles ». Cet « à ce que l’on assure » est charmant et d’une saveur de réclame assez moderne.

Aux environs de Pâques, le dépit des jaloux et des envieux dut s’exaspérer à l’annonce d’une nouvelle faveur royale. Molière, recevait pension « en qualité de bel esprit ». Il était couché sur l’état pour la somme de 1 000 livres « comme excellent poète comique » à côté du vieux Pierre Corneille « premier poète dramatique du monde » pour 2 000 livres, et du jeune Racine pour 800 livres. Parmi les autres portes, un seul était plus favorisé que Corneille, « le sieur Chapelain, le plus grand poète français qui ait jamais été et du plus solide jugement ». C’était