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inutilisé. D’autre part, le roman de Psyché, la pittoresque légende d’Apulée, délicieusement modernisée par le bonhomme La Fontaine, était le grand succès du jour. Coïncidence vraiment tentante ! Vite, vite, une Psyché aux Enfers ! La besogne pressait, Molière dut demander à son maître, au doyen du Théâtre, sa collaboration. L’auteur du Cid et de Polyeucte, toujours jeune malgré ses soixante-quatre ans, se souvint qu’avant d’être le puissant tragique, il avait été le tendre et vif auteur d’exquises fantaisies galantes, il accepta avec empressement. Le rôle du bel Amour était réservé au beau Baron, celui de la séduisante Psyché à la séduisante Armande, dont les beaux yeux et l’esprit pétillant excitèrent une féconde émulation entre les deux poètes également glorieux, l’un qui l’adorait, l’autre qui l’admirait. On était si pressé que, pour les vers à musique, on dut appeler un troisième collaborateur, Quinault : « Le carnaval, dit Molière, approchait, et les ordres du roi m’ont mis dans la nécessité de souffrir un peu de secours. »

Un peu de secours ! C’est, il faut l’avouer, de la part de Molière, un euphémisme assez peu modeste et marquant peu d’égards pour Corneille. En fait Molière avait fait 650 vers, Corneille 2 226, et ceux du vieux maître comptent parmi les plus charmants qu’on puisse recueillir dans son œuvre immense, et même dans la poésie lyrique et élégiaque du xviie siècle. Sans doute, dans les parties qu’il avait pu achever, Molière avait fait un effort heureux pour se hausser, comme dans les Amants magnifiques, jusqu’au style de la poésie noble, tout en gardant