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dernières années.

angoisses, il avait tant de fois égayé les plus froids spectateurs, c’était le dernier. On n’eut que le temps de l’envelopper dans sa robe de chambre, de le conduire, frissonnant et glacé, dans la loge de Baron. Une chaise à porteurs fut appelée, et Baron l’accompagna. Il était à peine au lit qu’il lui prit une grosse toux. Après avoir craché, il demanda de la lumière : « Voici, dit-il, du changement ». Baron, ayant vu le sang, qu’il venait de rendre, poussa un cri de frayeur. « Ne vous épouvantez point, lui dit Molière, vous m’en avez vu rendre bien davantage. Cependant, ajouta-il, allez dire à ma femme qu’elle monte ».

Déjà, accourues au bruit, deux sœurs religieuses, d’Annecy, dit-on, qui venaient chaque année quêter à Paris et auxquelles il donnait l’hospitalité, le soignaient et l’assistaient. Il demanda lui-même les sacrements. Son valet et sa servante coururent chez MM. Lenfant et Lechaut, deux prêtres de la paroisse. Tous deux refusèrent de venir. Un troisième, l’abbé Paysant, s’habillant en hâte, arriva cependant trop tard. Avant même que Mlle Molière et Baron fussent remontés « il avait rendu l’esprit entre les bras de ces deux bonnes sœurs ; le sang qui sortait par sa bouche en abondance l’étouffa ».

Baron alla de suite à Saint-Germain annoncer la nouvelle au roi. « Sa Majesté en fut touchée et daigna le témoigner. » Qui pouvait, alors, s’attendre aux difficultés qui allaient retarder les funérailles ? L’année précédente, jour pour jour, le 17 février, la vieille amie de Molière, Madeleine Béjart, était morte, et peut-être, en sa courte agonie, le souvenir