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Page:Laforgue - Œuvres complètes, t6, 1930.djvu/225

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UNE VENGEANCE À BERLIN

de Bulow. Mais il apportait à ce public cette correction brillamment nuancée qui est la marque de l’école française, et qui avait déjà fait le succès de Planté et de Saint-Saëns en Allemagne. En outre, il avait conscience de lui-même, et n’en était pas à ses premières armes, même à Berlin. Son concert marcha donc parfaitement, de bravos en bravos, vers un très estimable succès, précédé d’ailleurs des articles élogieux de la presse de Dresde.

En commençant le Soir de Bayreuth, Jean commença à sentir fatalement l’obsession de la présence de sa rivale. Il levait la tête et rencontrait un regard fixe, un regard souriant et comme se promettant quelque dénouement inconnu. Il répéta ce manège inoffensif à chaque détente possible d’attention dans le cours du morceau.

« Ah ! par exemple, se dit-il bientôt, voici venir le passage fugué ! Il faut que je fasse abstraction de tout autour de moi, ou je perds le mouvement et c’en est fait de moi, de mon concert et de ma réputation à Berlin ! »

Mais arrivé au passage fugué, d’une mesure si compliquée dans sa délicatesse, le démon