Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/214

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Andromède n’ose le reconnaître, et, se détournant un peu, sourit dans le vide, avec un de ces rayonnements de tristesse qui annoncent chez elle d’inexplicables coups de tête (car son âme est toujours si vite accablée).

Mais il faut bien vivre, et vivre cette vie, quelques grands yeux étonnés qu’elle vous fasse ouvrir à chaque tournant de route.

Le lendemain de cette nuit essentiellement nuptiale, une pirogue fut creusée dans un tronc d’arbre et mise à la mer.

Ils voguèrent, évitant les côtes semées de casinos. Oh ! voyage de noces sous les soleils comme à la belle étoile !

Et abordèrent le troisième jour en Éthiopie où régnait l’inconsolable père d’Andromède (je laisse à penser sa joie).


— Ah ! çà, mon cher monsieur Amyot de l’Épinal, vous nous la baillez belle avec votre histoire ! s’écria la princesse d’U. E. (en ramenant un peu son châle, car cette splendide nuit était fraîche). Moi qui avais donné tout autrement mon cœur à cette aventure de Persée et d’Andromède ! Je ne vous chicanerai pas sur la façon dont vous avez travesti ce pauvre Persée. (Je vous le pardonne en faveur de la main de maître dont vous m’avez flattée à l’antique, s’entend, sous les traits d’Andromède.) Mais le dénouement de l’histoire ! Qu’est-ce que ce Monstre à qui nul ne s’était intéressé jusqu’ici ? Et puis, cher monsieur Amyot de l’Épinal, levez donc un peu les yeux vers la carte céleste de la nuit. Ce couple de nébuleuses, là-bas, près de Cassiopée, ne l’appelle-