Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/25

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On vient de frapper deux coups d’une clef d’or sur le marteau d’argent de la porte. Un valet entre.

— Les deux étoiles de cette troupe sont là, selon les ordres de votre Altesse.

— Qu’elles entrent.

— Et puis, sa Majesté la reine demande si son Altesse persiste à vouloir faire donner le spectacle ce soir même.

— Crûment ! Et pourquoi pas ?

— C’est que, son Altesse ne l’ignore pas, l’enterrement du lord chambellan Polonius a lieu aussi ce soir, tout à l’heure.

— Eh bien ! En voilà des considérations ! Les uns jouent, tandis que les autres rentrent dans la coulisse, voilà tout. Et l’Idéal se sélecte quand même son petit maximum tous les soirs, va, mon pauvre vieux.

Le valet s’efface, et, derrière la révérence des deux étoiles annoncées, ferme la porte.

— Entrez, mes frères. Asseyez-vous là et prenez des cigarettes. Voici du Dubeck et voici du Bird’s eye. C’est sans façon, chez moi. Comment t’appelles-tu, toi ?

— William, riposte le jeune premier en pourpoint à crevées encore poudreuses.

— Et vous, ma jeune dame ? (Oh ! mon Dieu, comme elle est belle ! Encore des histoires !…)

— Ophélia, résume celle-ci, dans une sorte de sourire boudeur, un sourire douteux à s’en tordre de malaises, si maléfique, que le jeune prince doit éclater pour faire diversion.

— Comment ! encore une Ophélia dans ma potion ! Oh ! cette usurière manie qu’ont les parents de coiffer leurs