Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/46

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psalmodiez Holy, holy, holy, Lord Good Almighty ! La personnalité divine, quelle idée ! Voilà ce qui s’appelle faire des personnalités. Son paradis, c’est encore mon souvenir. Car, en effet, elle avait ce que je demanderai toujours à la fiancée de mon génie, une bouche ingénument accueillante, mais gardée par deux grands yeux qui savent, ou bien (comme cette actrice Kate, avouons-le) deux fins yeux bleus vagabonds et crédules, gardés par une bouche ravagée avec le pli amer du coin immortellement sur la défensive. Et son profil, et c’est là d’ailleurs le seul étalon pour mesurer la beauté de la femme, ne rappelait celui d’aucun animal, du bull-dog à la gazelle. Et dans l’intimité, je ne lui ai jamais surpris la nuance chienne. Bref, c’était une sainte en jupe simple. Il eût été dommage qu’elle vieillît. Et maîtresse de Fortimbras ! Ah, Ophélie, que n’étais-tu née ma compagne ! que n’étais-tu assez inconnue pour cela ! Je l’ai aidée à se faner, la Fatalité a fait le reste.


Ophélie, Ophélie
Ton beau corps sur l’étang
C’est des bâtons flottants
À ma vieille folie…


La cérémonie tire à sa fin (une fois pour toutes !) On entend les boules de terreau sonner sur le cercueil, sonner sur ce cercueil, hélas ! une fois pour toutes !...

— Elle avait un torse angélique, encore une fois. Que puis-je à tout cela, maintenant ? Allons, je donne dix ans de ma vie pour la ressusciter ! Dieu ne dit mot ! Adjugé ! C’est donc qu’il n’y a pas de Dieu, ou bien que c’est moi qui n’ai